Effluve d'alcool.

Comme toujours à cette heure, l'ambiance au Dinners est enfumée et chargée de vapeurs d'alcool. Cela dérange certains, mais Freyja s'y sent comme un poisson dans son bocal. A l'aise. A sa place. Tout comme elle l'est avec ses outils devant une machine ou un mécanisme. Tout comme elle devrait l'être dans les bras de... hum, vaut mieux pas s'aventurer sur ce terrain là en fait.

Souplement, la jeune femme fait rouler ses épaules sous sa veste de cuir type "aviateur" comme on dit. Même si elle n'a pas la moindre fichue idée de ce que ça peut bien être, un aviateur. Bref, en tout cas, sa veste était plutôt épaisse et pesait lourd après cette journée de travail manuel. La garder à l'intérieur de l'Oppal's n'était pas spécialement indispensable, d'ailleurs. Avec un geste teinté de cette nonchalance que confère l'habitude, Freyja descend la fermeture du blouson et le retire, non sans savourer le contact de l'air libre contre ses bras nus. Comme toujours, elle porte un débardeur. Blanc, presque moulant pour ne pas gêner ses mouvements, et un peu tâché par l'huile de moteur qui l'a éclaboussé plus tôt dans la journée.

Habituée des lieu - un poisson dans l'eau de son bocal, après tout - elle s'avance vers le bar en évitant de trop se frotter à la clientèle nombreuse. Ce n'est pas que le Dinner soit mal famé ou quoi que ce soit, juste qu'elle n'aime pas les contacts qui ne sont pas nécessaires ou désirés. Ces gens, elle ne les connait pas, ils ne la connaissent pas, donc il n'y a pas lieu qu'ils se touchent.

-Freeyyyy? J'm'ennuie.

Cette voix. Boudeuse et grognon, reconnaissable entre mille. Raj' est là, accoudé au bar, l'air un peu éteint. A chaque fois qu'elle le voit comme ça, Freyja a du mal à se dire que le tatoueur hindou a deux ans de plus qu'elle. Ce n'est pas qu'il fasse plus jeune ou quoi mais... c'est comme ça. En tout cas, elle est contente de le voir. Un visage ami, un peu de compagnie simple et sans arrière-pensée, c'est ce dont elle a besoin ce soir. Alors elle se dirige vers lui en fendant la foule avec toute la souplesse qu'elle peut obtenir de son corps fatigué.

- Monsieur Atkins. Est-ce un endroit idéal à fréquenter à cette heure pour un tatoueur respectable dans votre genre ?

Et avant qu'il ne lui réponde, elle se tourne vers le serveur qu'elle interpelle en levant la main.

- Hep, s'il vous plait ! Un coca-violette. J'ai eu une rude journée.

Ouais, c'est une boisson de tafiole et alors ? C'est probablement l'un des trucs qu'elle adore le plus au monde et ce ne sont pas quelques regards surpris ou moqueurs qui vont l'empêcher de profiter. Pas d'alcool ce soir, elle ne s'en sent pas la force. Le mec lui sert son verre, empoche la monnaie, et la technicienne referme sa main sur le verre froid et humide de condensation. L'autre main, elle la lève pour empêcher toute réplique inopportune en cet instant presque magique.

- Attends ! Laisse-moi juste savourer la première gorgée. La première gorgée, c'est sacré...